Le 28 février dernier, l’école Emi-CFD et la Bibliothèque Château d’eau organisaient une rencontre débat autour du thème : le photojournalisme : la guerre des médias.
Cette rencontre fut l’occasion de nous interroger sur l’avenir du photojournalisme, qui, en raison du (sur)développement de la photographie numérique et des nouvelles technologies, se trouve en pleine mutation.
Résumé de cette rencontre-débat animée par Lorenzo Virgili, de l’Emi-CFD.
La photographie de guerre, tremplin pour les jeunes photographes ?
De nombreux jeunes photographes ou ambitieux de le devenir, choisissent de partir sur les terrains de guerre pour se faire repérer, et, dans l’idéal décrocher un prix WordPress ou Pullitzer. Le risque de mourir ou même la mort sont-ils le prix à payer pour passer sur le devant de la scène ? C’est la question que s’est posée Jean-François Leroy, directeur de Visa pour l’Image, le festival du photojournalisme de Perpignan. Il a décidé de ne plus publier de reportages provenant de jeunes photoreporters de guerre (cf. article de Rue89 à la fin de ce blog). La raison ? Il ne souhaite pas contribuer à cette hécatombe.
Laurent REBOURS, d’Associated Press pense de son côté au contraire que prendre des risques est le prix à payer pour continuer à exercer son métier. Il faut dire qu’Associated Press se donne également les moyens de protéger ses photographes – gilets pare-balles, talkie-walkies – fixeurs, et ne sélectionne que les photos des photographes affiliés à l’agence, tout en n’obligeant jamais personne à partir.
La profession est donc partagée sur le sujet. Les agences filaires ont récemment formé des photographes en Afrique, Amérique du Sud et Moyen Orient. La solution ne serait-elle pas de faire appel à eux, ce qui limiterait les risques sans freiner les nouveaux talents locaux.
Une liberté de la Presse en danger. L’attentat du 11 septembre n’y serait pas étranger.
Robert Capa, Stanley Greene, Henri Huet ont, chacun à leur époque, pris des risques pour exercer leur métier. Mais ils étaient victimes de dommages collatéraux (mines, bombes etc.), et en aucun cas visés.
Pour Thomas Haley, Photographe présent lors de la conférence, le 11 septembre a transformé leur métier. Les photographes sont effet devenus la cible d’Hommes qui cherchent clairement à les éliminer. A titre d’exemple, une enquête aurait démontré que Rémi Ochlik et Marie Colvin, tous deux décédés en février 2012 à Homs, en Syrie, auraient été repérés et espionnés téléphoniquement suite à un reportage qu’ils avaient fait pour le Sunday Times.
Certes, le 11 septembre a sûrement transformé le métier de photoreporter. Mais l’avènement des nouvelles technologies facilite également grandement la tâche à toute personne mal attentionnée. En quelques secondes le monde entier peut avoir accès à une information, alors qu’auparavant les Unes des magazines restaient à diffusion locale ou se limitaient à quelques kiosques étrangers.
Une révolution numérique qui a transformé les mentalités… et la qualité ?
L’évolution technologique fulgurante des appareils photos numériques a transformé la manière de prendre des photos. Avec l’argentique, tout à chacun réfléchissait bien avant de déclencher et sélectionnait ses photos avant de les envoyer.
Aujourd’hui, prendre le temps n’existe plus. L’information se diffuse à une vitesse telle que pour faire l’actualité il faut se dépêcher, afin de ne pas se faire dépasser ! Les bureaux télégraphiques n’existent plus. Les Picture Editors non plus. Suite à un reportage, un photographe peut ramener des centaines de photos sans avoir pris le temps de les sélectionner et de construire une histoire.
Est-ce pour cela que la rapidité doit prôner sur la qualité ? Jean-François Leroy pose la question de la formation, et il n’a à notre sens pas tord…
Des photojournalistes souvent autodidactes
La photographie s’étant beaucoup démocratisée, nombre de photographes sont autodidactes, et n’ont pas forcément suivi de formation en la matière, et encore moins en photojournalisme.
Construire un reportage ne consiste pas uniquement en la prise de vue, mais également en la construction d’un reportage, de légendes, et au transfert d’informations.
Nombre de photoreporters gagneraient à suivre une formation spécialisée. Cela contribuerait également à la valorisation de la profession.
Avenir rose … ou morose ? A notre sens, la profession n’est pas si sinistrée que certaines personnes ou certains médias le laisseraient penser. Elle est en train de vivre une révolution numérique, comme de nombreux autres secteurs, et est amenée à se restructurer si elle ne souhaite pas se laisser dépasser.
Certains médias l’ont d’ailleurs bien compris. Le Mook 6mois a décidé de faire l’éloge de la lenteur, en sortant deux fois par an et en proposant du contenu et une impression de qualité.
Dans les grandes crises naissent souvent de grandes idées. Nous attendons les prochaines innovations avec impatience !
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